LOI SANTÉ AU TRAVAIL

Trouvant son origine dans l’accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre 2020, la loi santé au travail a enfin été publiée au Journal Officiel le 3 août 2021. Censée entrer en vigueur le 31 mars 2022, la loi met l’accent sur la prévention et l’évaluation des risques : tour d’horizon de ces nouvelles dispositions.

Extension des missions des services de santé au travail : mise en avant d’un rôle de prévention

Les services de santé au travail changent de nom pour devenir les services de prévention et de santé au travail (SPST). Les SPST apportent leur soutien à l’entreprise dans l’évaluation et la prévention des risques professionnels. Leur but est de préserver, tout au long de la vie professionnelle du salarié, un état de santé compatible avec son maintien dans l’emploi.

Les SPST interentreprises doivent désormais fournir à leurs entreprises adhérentes un ensemble socle de services en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel des travailleurs et de prévention de la désinsertion professionnelle ( art. L. 4622-9-1 du Code du travail).

Rajout rôle du médecin du travail

Décloisonnement avec la médecine de ville

Dans les zones caractérisées par un nombre insuffisant ou une disponibilité insuffisante de médecins du travail, le suivi médical pourra être réalisé par un médecin praticien correspondant (MPC). Ce médecin de ville, qui doit disposer d’une formation en médecine du travail, devra conclure un protocole avec un SPSTI. Le MPC ne pourra pas être le médecin traitant du salarié.

Toutefois, seul le médecin du travail demeura compétent pour proposer des aménagements de poste ou des horaires de travail ainsi que pour déclarer un salarié inapte à son poste de travail (art. L. 4623-1 du Code du travail).

Le médecin du travail aura accès au dossier médical partagé (DMP) qui comportera un volet relatif à la santé au travail. Ce volet contiendra les éléments du dossier médical en santé au travail nécessaires à la prévention, la coordination, la qualité et la continuité des soins. Le consentement du salarié sera requis.

Un nouvel examen médical obligatoire : la visite de mi-carrière

Les travailleurs doivent être examinés au cours d’une visite médicale dite « de mi-carrière » organisée :

  • Soit de manière autonome, à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile de leur 45ème anniversaire ;
  • Soit conjointement avec une autre visite médicale dans les 2 ans précédant l’échéance précitée ;
  • Soit, pour les salariés désinsérés professionnellement et remplissant les conditions fixées par l’accord de branche ou à défaut âgés d’au moins 45 ans, dès le retour à l’emploi.

La visite est réalisée soit par le médecin du travail, soit par un infirmier en santé au travail exerçant en pratique avancée qui oriente, si nécessaire, le travailleur vers le médecin du travail (art. L 4624-2-2 nouveau du code du travail).

La visite de mi-carrière vise à :

  • Établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail occupé par le salarié et son état de santé, à date, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;
  • Évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel passé, de son âge et de son état de santé ;
  • Sensibiliser le travailleur sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

À l’issue de cet examen, le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur (art. L 4624-2-2 nouveau du code du travail).

Modification de la visite médicale de fin de carrière des salariés en surveillance renforcée

Pour mémoire, la visite médicale de fin de carrière avait été créé en 2018 par la loi de ratification des ordonnances du 22 septembre 2017 : l’article L 4624-2-1 du Code du travail impose aux travailleurs en suivi individuel renforcé au moment de leur départ en retraite – c’est-à-dire les personnes occupant un poste de travail à risque –, ainsi qu’à ceux ayant bénéficié d’un tel suivi au cours de leur carrière une visite médicale pratiquée par le médecin du travail (Loi 2018-217 du 29-3-2018 art. 13).

L’examen médical a pour objet d’établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou à plusieurs facteurs de risques professionnels auxquelles a été soumis le travailleur (art. L 4624-2-1, al. 2 du Code du travail).

À compter du 31 mars 2022, cet examen médical devra intervenir dans les meilleurs délais après la cessation de l’exposition à des facteurs de risques ou, en cas de maintien de l’exposition, avant le départ à la retraite.

La visite médicale est organisée pour les 2 catégories de travailleurs suivantes (art. R 4624-28-1 du Code du travail) :

  • Ceux qui occupent ou ont occupé au cours de leur carrière un poste à risque et, à ce titre, bénéficient ou ont bénéficié d’un suivi individuel renforcé de leur état de santé ;
  • Ceux qui ont bénéficié d’un suivi médical spécifique du fait de leur exposition à un ou plusieurs risques particuliers antérieurement à la mise en œuvre du dispositif de suivi individuel renforcé.

Pour l’organisation de la visite, l’employeur informe son service de santé au travail, dès qu’il en a connaissance, du départ ou de la mise à la retraite d’un des travailleurs de l’entreprise. Il avise sans délai le travailleur concerné de la transmission de cette information (art. R 4624-28-2, al. 1 nouveau du Code du travail).

Si l’employeur manque à son obligation, le travailleur peut, durant le mois précédant son départ, demander à bénéficier de cette visite directement auprès de son service de santé au travail. Il informe son employeur de sa démarche (art. R 4624-28-2, al. 2 nouveau du Code du travail).

Si le médecin du travail constate, lors de cette visite, que le salarié a été exposé « à certains risques dangereux, notamment chimiques » il a la possibilité de mettre en place une surveillance post-professionnelle en lien avec le médecin traitant du salarié.

Refonte du document unique d’évaluation des risques professionnels

Pour rappel, l’employeur doit évaluer les risques dans chaque unité de travail, en tenant compte de l’impact différencié de l’exposition à ceux-ci en fonction du risque. Les résultats de l’évaluation doivent être répertoriés dans un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).

La refonte du DUERP prévoit de répertorier l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et d’assurer la traçabilité collective de ces expositions. L’employeur doit transcrire et mettre à jour au moins une fois par an ce document (art. R 4121-2 du code du travail). L’article L 4121-3 prévoit en outre que celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de 11 salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Obligation de dépôt dématérialisé du DUERP

Le DUERP et ses mises à jour devra à l’avenir faire l’objet d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique déployé et administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Ce portail devra garantir la conservation et la mise à disposition du document unique. Il préservera la confidentialité des données contenues dans le document unique et en restreindra l’accès par l’intermédiaire d’une procédure d’authentification sécurisée réservée aux personnes et instances habilitées à déposer et mettre à jour le document sur le portail ainsi qu’aux personnes et instances justifiant d’un intérêt à y avoir accès.

Cette obligation de dépôt dématérialisé est applicable :

  • A compter du 1er juillet 2023, pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 150 salariés ;
  • A compter de dates fixées par décret, en fonction des effectifs des entreprises, et au plus tard à compter du 1er juillet 2024 pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 150 salariés.

Le contenu du DUERP est fonction de l’effectif :

  • Pour les entreprises + 50 salariés : le DUER devra aboutir à un programme annuel de prévention des risques professionnels, devant être présenté au CSE s’il existe (indicateurs de résultat, ressources mobilisées, calendrier, etc.) ; le CSE sera également consulté lors de ses mises à jour ;
  • Pour les entreprises – 50 salariés : le DUER devra conduire à la définition d’actions obligatoires de prévention des risques et de protection des salariés. La liste de ces actions devra être consignée dans le DUER ainsi que ses mises à jour.

Un dialogue social renforcé :

L’ANI du 9 décembre 2020 prévoit que « la mise en place d’un dialogue social renforcé suppose que la prévention des risques professionnels puisse être abordée plus largement dans l’institution représentative du personnel que constitue le CSE ». L’article L 4121-3 du Code du travail est ainsi complété, afin de préciser que doivent désormais participer à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise :

  • Dans le cadre du dialogue social, le comité social et économique (CSE) et la commission santé, sécurité et conditions de travail, s’ils existent, en application du 1° de l’article L 2312-9 du Code du travail, aux termes duquel le comité procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de pénibilité mentionnés à l’article L 4161-1 du même Code ;
  • Le ou les salariés compétents en matière de santé et de sécurité (communément appelés « responsables prévention » ou « préventeurs »), s’ils ont été désignés ;
  • Le service de prévention et de santé au travail auquel l’employeur adhère.

L’employeur peut également faire appels à d’autres intervenants en prévention des risques professionnels du service de santé au travail interentreprises auquel l’employeur adhère, ou ceux enregistrés auprès de la Dreets, les services de prévention des caisses de sécurité sociale, l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et son réseau d’agences régionales.

Le DUERP doit être conservé et mis à disposition pendant au moins 40 ans

Un des apports importants de la loi est l’instauration d’une obligation de conservation du DUERP, afin notamment d’assurer la traçabilité collective des expositions aux risques ; durée qui ne peut pas être inférieure à 40 ans.

Plusieurs mesures pour améliorer la formation santé des représentants du personnel

La formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail à destination des membres du CSE sera d’une durée minimale de 5 jours lors du premier mandat des membres de la délégation du personnel (auparavant limitée à 3 jours pour les CSE – 300 salariés) ; puis de 3 jours en cas de renouvellement quelle que soit la taille de l’entreprise ; 5 jours pour les membres de la CSSCT dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Les salariés désignés par l’employeur pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise, appelé Référent santé et sécurité, bénéficient de la même formation et devient obligatoire le concernant.

Dans les entreprises de – 50 salariés, le financement de cette formation pourra d’ailleurs être supporté par l’OPCO.

Notion de harcèlement sexuel : harmonisation entre le Code du travail et le Code pénal

La loi ajoute le terme « sexiste » au 1° de l’article L. 1153-1 du Code du travail. Cet ajout permet de caractériser des faits de harcèlement sexuel dès lors que des propos ou comportement à connotation sexiste. Il figurait déjà à l’article 222-33 du Code pénal mais pas dans le Code du travail. C’est désormais chose faite.

Le règlement intérieur et les panneaux d’affichage devront donc être remis à jour.

Autre nouveauté de la loi : le passeport de prévention

La loi crée le passeport prévention qui a pour objectif de baliser les formations du salarié tout au long de sa carrière. L’employeur devra indiquer dans ce passeport de prévention les attestations, certificats et diplômes obtenus par le salarié lors de formations relatives à la santé et à la sécurité au travail (art. L. 4141-5 du code du travail).

Lorsque le salarié suit de sa propre initiative des formations, il peut inscrire les diplômes obtenus dans le passeport.

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