JURISPRUDENCE : REVERSIBILITE DU TELETRAVAIL

Le 10 septembre dernier, la Cour d’Appel de Lyon a rendu une décision (arrêt du 10 septembre 2021 n°18/08845) tout à fait d’actualité sur la réversibilité du télétravail.

Rappelons que le télétravail est mis en place, soit par accord collectif, soit par une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe.

En l’absence d’accord collectif ou de charte, un salarié et un employeur peuvent convenir de recourir au télétravail et doivent dans ce cas précis, formaliser leur accord par tous moyens.

En l’espèce, une salariée avait, au retour de son congé de maternité, signé un avenant à son contrat de travail le 1er juillet 2015 lui permettant de télétravailler. Cet avenant stipulait qu’il lui était accordé à titre exceptionnel de travailler à son domicile. Le 17 octobre 2016, la société a demandé à la salariée de revenir travailler sur site sous un délai de prévenance d’un mois, considérant que le télétravail n’était plus envisageable tant en termes d’efficacité que de contrôle de la durée du travail. La salariée n’a pas réintégré son poste en présentiel à l’expiration du délai de prévenance. Son employeur par courrier recommandé avec AR lui a accordé un nouveau délai, pour réintégrer son poste sur site. Face au refus persistant de la salariée, la société a procédé à son licenciement pour motif disciplinaire, ayant fait l’objet d’une contestation par la suite par la salariée.

La Cour d’Appel de Lyon dans son arrêt du 10 septembre confirme le jugement du conseil de prud’hommes qui avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse selon la motivation suivante : l’employeur n’avait pas apporté dans l’avenant au contrat de travail de précision sur les conditions d’exercice du télétravail, notamment sur sa durée ainsi que les modalités selon lesquelles il pouvait y être mis fin.

De plus, elle considère que le terme « exceptionnel » ne signifie pas pour autant que les parties ont entendu conférer un caractère « provisoire avec une date butoir » mais seulement que l’employeur a accepté ‘de façon exceptionnelle’ l’activité en télétravail.

Aussi, la Cour considère que l’employeur ne pouvait modifier cette organisation sans l’accord préalable et exprès de la salariée pour mettre fin au télétravail.

Enfin, la Cour rappelle que le fait pour un salarié de refuser une modification de son contrat de travail, en dehors de la procédure de modification pour motif économique, ne peut justifier en lui-même un licenciement pour motif disciplinaire, et ce même si la modification du contrat a un motif légitime. 

A ce jour, l’article L.1222-9 du code du travail issu de la loi du 29 mars 2018 dispose que l’accord collectif ou la charte élaborée par l’employeur doit contenir :

1. Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;

2. Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en, œuvre dutélétravail ;

3. Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

4. La détermination, des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

5. Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail

Si le code du travail dans sa version actuelle n’apporte aucune précision sur les clauses contractuelles obligatoires lorsque le télétravail est mis en place par un accord individuel entre l’employeur et le salarié, il parait plus que nécessaire de prévoir les conditions de retour à une exécution du contrat sans télétravail.

La clause au contrat devra notamment prévoir les cas permettant d’actionner la réversibilité mais également le délai de prévenance à respecter compte tenu de l’atteinte que la mise en œuvre de la réversibilité peut avoir sur la vie personnelle du salarié. Certes, n’est pas visé ici le télétravail exceptionnel imposé par la crise sanitaire, il n’en demeure pas moins que le télétravail tend à se développer de manière pérenne au sein des entreprises.

Dans ce contexte, il importe donc d’être particulièrement vigilant sur la rédaction de l’éventuel avenant au contrat de travail prévoyant le recours au télétravail. Enfin, il est préférable d’opter plutôt, lorsque cela est possible, pour le recours au télétravail dans le cadre d’un accord collectif ou d’une charte, lesquels peuvent être révisés ou dénoncés par l’employeur, sans que les modifications apportées ne nécessitent l’accord préalable et exprès du salarié. 

 

Précédent Sommaire Suivant >